Pierre
Kompany

La Fédération Wallonie-Bruxelles et la République démocratique du Congo (RDC) entretiennent des liens très forts dans les secteurs de l’éducation, de la culture et des médias. La Fédération Wallonie-Bruxelles promeut cette relation depuis 40 ans, favorisant les liens entre Belges et Congolais. Ses différentes actions sont structurées autour de programmes renouvelés tous les trois ans.

D’après le nouveau représentant de la Belgique francophone, M. David Thonon, qui vient de remplacer Mme Kathryn Brahy, la Fédération a prévu de relancer un programme de formation des travailleurs sociaux, initié à l’époque par l’Université de Mons (UMONS). Ce programme a pour but de cimenter la collaboration étroite avec le gouvernement congolais par l’intermédiaire de son ministère des Affaires sociales.

Les relations entre nos deux entités semblent bien se porter – sur papier du moins. Pourtant, le 20 septembre, un reportage télévisé de la RTBF a fait une description particulière de la RDC, loin des déclarations de notre nouveau représentant.

Dans ce reportage, elle décrit la RDC comme un pays à la dérive, au niveau politique, médiatique et militaire. Elle y fait état de répressions contre les manifestants, parle d’arrestations de journalistes et évoque des assassinats d’opposants. D’après la RTBF, le pays semble vivre dans un climat de terreur alors que les élections présidentielles sont prévues au mois de décembre.

Cette information a été soulignée par le président de la RDC, M. Félix Tshisekedi, pendant son discours à la 78e Assemblée généralede l’Organisation des Nations unies (ONU) à New York. Les dates du reportage et de la prise de parole du président coïncident.

Mes questions:

👉🏿 Monsieur le Ministre-Président, avez-vous eu connaissance de ce reportage diffusé par la RTBF le 20 septembre dernier? Si je me réfère à ce reportage, je devrais en déduire que nos liens ne sont pas tellement privilégiés. En effet, la RDC y est présentée comme un pays lointain, à la dérive, loin des préoccupations des Belges.

👉🏿 Dès lors, êtes-vous entré en contact avec la RTBF à la suite de la diffusion de ce reportage? Avez-vous eu une concertation avec la ministre des Médias et de l’Éducation aux médias, Mme Linard?

👉🏿 Où en sont nos relations avec la RDC? Avez-vous eu un contact avec notre délégation? Quelle est la situation sur place? Qu’en est-il de l’est du pays? Quelles sont les perspectives pour les élections présidentielles? Que diriez-vous de la sécurité des journalistes et de la liberté de la presse dans le pays?

👉🏿 Enfin, quel suivi avez-vous assuré lors du changement de représentant à Kinshasa? Quels sont les programmes que la Fédération poursuit actuellement avec la RDC, principalement au niveau de l’éducation, de la culture et des médias et notamment au niveau de la formation des travailleurs sociaux?

Intervention de M. Pierre-Yves Jeholet, ministre-président, en charge des Relations internationales, des Sports et de l’Enseignement de promotion sociale:
La RDC est, pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, un pays prioritaire dans lequel Wallonie- Bruxelles International (WBI) est engagé depuis longtemps. Nous n’y avons pas seulement une délégation, mais aussi un bureau à Lubumbashi qui accomplit des tâches relevant de WBI, de l’Assembléeparlementaire de la Francophonie (APF) et de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX).

Par ailleurs, un de nos deux centres culturels se trouve à Kinshasa. Sous cette législature, nous avons grandement investi dans ce centre culturel que nous jugeons indispensable pour favoriser les échanges entre les artistes congolais et les artistes francophones belges.

La situation en RDC ne peut pas être qualifiée d’idéale. Les réalités sont différentes et nuancées selon les régions du pays. L’est du pays, riche en minerais, connait des combats fréquents entre les forces congolaises et les milices comme le M23.

La position du SPF Affaires étrangères est très claire: «La Belgique réitère son soutien aux efforts diplomatiques régionaux, en particulier des processus de Nairobi et de Luanda, qui promeuvent la désescalade et la recherche d’une pacification durable de l’est de la RDC. La feuille de route agréée à Luanda doit être mise en œuvre sans délai, dans tous ses aspects, y compris par le M23».

La Fédération Wallonie-Bruxelles reste dans le cadre de ses compétences. Contrairement à ce que vous avez retenu du reportage diffusé sur la RTBF, notre action en RDC est loin d’être anecdotique ou sans influence. La force de notre représentation diplomatique à Kinshasa réside dans le fait qu’elle est toujours restée ouverte, même dans les moments les plus difficiles, alors que bien d’autres représentations avaient même provisoirement quitté le pays. Les Congolais le savent et ne l’oublient pas. Nous sommes et resterons résolument aux côtés du peuple congolais et de sa société civile. C’est tout à l’honneur de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de nos représentants sur place.

Notre nouveau délégué général en RDC, en poste depuis le 1er septembre, s’inscrit déjà dans cette grande tradition. Il m’a assuré qu’il ne resterait pas cantonné à Kinshasa et il m’a également partagé sa volonté de porter notre message dans tout le pays durant son mandat. Je me suis d’ailleurs entretenu jeudi dernier avec lui pour préciser les attentes que nous avons de sa fonction et pour recueillir ses premières impressions. Je lui ai rappelé qu’il fallait davantage resserrer les liens qui nous unissent depuis longtemps pour amplifier notre coopération, et ce, dans notre intérêt mutuel. J’ai ainsi demandé à notre délégué d’utiliser le Centre Wallonie-Bruxelles (CWB) pour stimuler les cocréations en synergie avec les autres lieux culturels, comme ceux de Paris et d’Avignon, et avec nos autres délégations pour amorcer des résidences croisées et favoriser la circulation des œuvres créées.

À cela s’ajoute notre action de coopération: dans ce cadre, nous aidons les femmes congolaises à développer la pisciculture et nous contribuons à la formation de maîtres. Notre action vise à aider les Congolais à vivre de leur travail pour qu’émerge dans le pays une classe moyenne qui pourra prospérer dans la paix.

Vous vous enquérez à juste titre du sort des journalistes. Pour rappel, Stanis Bujakera Tshiamala, journaliste correspondant de «Jeune Afrique», fut arrêté le 8 septembre dernier et il est toujours incarcéré. Dans ce cadre, je tiens à réaffirmer fermement mon attachement à la liberté de la presse. Notre délégué suit d’ailleurs de près l’évolution de la situation de ce journaliste, et ce, en collaboration avec l’ambassadrice de Belgique, Mme Roxane de Bilderling.

La RDC étant un pays souverain, vous comprenez qu’il ne m’appartient pas de me prononcer sur les

Il ne m’appartient pas non plus – je ne le fais jamais, et ce, dans quelque cadre que ce soit – de contacter la RTBF afin de porter un jugement sur une information ou un documentaire relevant de la liberté éditoriale et de la presse, liberté à laquelle je suis viscéralement attaché.